Par Bertrand Helme-Guizon, partenaire associé 37.5 expert en Digitalisation et Système d’Information.
La digitalisation est souvent justifiée par la promesse d’améliorer l’expérience utilisateur, qu’il s’agisse des clients ou des collaborateurs. Pourtant, ces projets négligent fréquemment les véritables besoins et attentes des parties prenantes, conduisant à des frustrations, voire à un rejet des solutions mises en place.
Une approche technocentrée, au détriment des utilisateurs
Les projets de digitalisation sont souvent pilotés par des équipes techniques ou des décideurs stratégiques qui privilégient la technologie au détriment de l’ergonomie et de la simplicité d’utilisation. Cette approche technocentrée crée des solutions sophistiquées sur le papier, mais peu intuitives ou mal adaptées aux pratiques réelles des utilisateurs.
Exemple concret : Une entreprise de services déploie une nouvelle plateforme numérique pour simplifier la prise de rendez-vous. Cependant, l’interface utilisateur complexe, couplée à des bugs fréquents, entraîne une forte baisse des réservations et des appels massifs au support client.
Chiffre clé : Une étude de PwC révèle que 32 % des utilisateurs abandonnent une application ou un service numérique après une seule expérience frustrante.
L’expérience client : entre incohérences et ruptures
Du point de vue des clients, la digitalisation mal pensée peut entraîner des parcours fragmentés, avec des ruptures entre les canaux numériques et physiques. L’omnicanalité est souvent mal mise en œuvre, créant des frustrations pour les utilisateurs qui s’attendent à une continuité entre leurs interactions en ligne et hors ligne.
Exemple concret : Une chaîne de supermarchés met en place une application mobile pour simplifier les achats en ligne. Cependant, les promotions affichées sur l’application ne sont pas alignées avec celles en magasin, ce qui provoque des incompréhensions et des insatisfactions des clients.
Chiffre clé : Salesforce indique que 61 % des consommateurs français perçoivent un manque de cohérence entre les équipes commerciales, service client et marketing, suggérant des expériences fragmentées.
L’expérience des collaborateurs : un levier souvent négligé
Les collaborateurs sont les premiers utilisateurs des outils numériques dans l’entreprise, mais leur expérience est souvent reléguée au second plan. Des outils mal intégrés ou difficiles à prendre en main peuvent compliquer leur travail au lieu de le simplifier, entraînant une baisse de la productivité et de la satisfaction au travail.
Exemple concret : Un cabinet d’avocats met en place une plateforme de gestion documentaire numérique. Les avocats, non formés et peu impliqués dans le choix de l’outil, peinent à l’utiliser et reviennent rapidement à des pratiques papier.
Chiffre clé : Une enquête réalisée par OpinionWay pour le cabinet Eléas révèle que 43 % des salariés perçoivent les outils numériques comme une source de fatigue, 36 % évoquent un « sentiment de submersion » et 35 % ressentent du stress lié à leur utilisation.
Les effets d’un rejet des outils numériques
Lorsque les utilisateurs, qu’ils soient internes ou externes, rejettent les outils numériques, les impacts se font rapidement sentir :
- Du côté des clients : Une expérience utilisateur insatisfaisante peut conduire à une perte de fidélité, voire à un churn important.
- Du côté des collaborateurs : Le désengagement face à des outils mal adaptés peut aggraver le turnover, ralentir les processus et augmenter les coûts opérationnels.
Exemple concret : Une entreprise de transport met en place un système de billetterie en ligne. Cependant, les chauffeurs de bus n’ont pas été équipés de scanners compatibles, obligeant les usagers à imprimer leurs billets, ce qui suscite de vives critiques et ternit l’image de l’entreprise.
Épisodes à découvrir :
- #1 – Un chemin semé d’embûches
- #2 – Refuser l’illusion d’une transformation rapide et universelle
- #3 – Anticiper la complexité des processus métiers mal appréhendés
- #4 – Évaluer avec justesse l’impact sur l’expérience utilisateur
Épisodes à venir :
- #5 – Estimer une gestion de projet réaliste et alignée sur les enjeux
- #6 – Prévoir une architecture technique évolutive
- #7 – Positionner les enjeux humains à leur vraie place
Pour aller plus loin :
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