Par Bertrand Helme-Guizon, partenaire associé 37.5 expert en Digitalisation et Système d’Information.
La digitalisation ne se contente pas de superposer des outils technologiques aux activités existantes. Elle exige une refonte ou une optimisation des processus métiers, qui sont souvent plus complexes qu’ils n’en ont l’air. Pourtant, cette complexité est fréquemment sous-estimée, ce qui conduit à des projets mal conçus et peu fonctionnels.
Une vision parcellaire des processus métiers
Dans de nombreuses organisations, les processus métiers ne sont pas suffisamment documentés ni modélisés. Les décideurs ont une vision fragmentée, où chaque service (marketing, logistique, finance, etc.) fonctionne en silo. Cette approche cloisonnée empêche une analyse globale des interactions et des interdépendances entre les différents départements.
- Exemple concret : Dans une entreprise industrielle, la mise en place d’un outil de gestion des commandes ne prend pas en compte les contraintes de production. Résultat : les commandes numériques s’accumulent, mais l’usine ne peut pas suivre le rythme, créant des retards et des insatisfactions clients.
Des processus trop rigides pour accueillir le numérique
Certaines entreprises disposent de processus profondément enracinés, souvent hérités de plusieurs décennies. Ces processus rigides, bien qu’ils fonctionnent en mode manuel ou semi-automatisé, se révèlent incompatibles avec les outils numériques modernes, qui nécessitent flexibilité et standardisation.
- Exemple concret : Une PME adopte un logiciel de gestion des factures automatisé. Cependant, son processus interne repose sur plusieurs étapes de validation manuelles et informelles, qui rendent le logiciel inutilisable dans sa configuration par défaut.
- Chiffre clé : Selon une étude de Forrester Consulting, plus de 60% des projets de transformation de l’expérience numérique des entreprises échouent. Une autre étude menée par Consultancy.uk en 2016 a révélé un taux d’échec encore plus élevé, atteignant 66%.
L’absence d’alignement entre les processus front, middle et back-office
La digitalisation implique souvent des outils qui touchent simultanément le front-office (relation client), le middle-office (gestion des processus internes) et le back-office (administration et support). Une erreur fréquente est de digitaliser un de ces niveaux sans prendre en compte son interdépendance avec les autres.
- Exemple concret : Une chaîne de magasins met en place un site e-commerce performant pour attirer plus de clients. Cependant, la logistique et la gestion des stocks, encore manuelles, ne suivent pas la montée en charge. Cela se traduit par des délais de livraison non respectés, des ruptures de stock et des clients insatisfaits.
L’impact des processus mal maîtrisés sur l’expérience client
Des processus internes inefficaces finissent toujours par impacter négativement l’expérience client. Une digitalisation mal pensée peut même aggraver les problèmes existants en automatisant des processus défaillants.
- Exemple concret : Une entreprise d’assurance introduit un formulaire en ligne pour simplifier les demandes de remboursement. Cependant, le processus back-office reste archaïque, entraînant des délais de traitement plus longs que dans l’ancien système, au grand dam des clients.
- Chiffre clé : Selon une enquête Emplifi menée auprès de 2 000 consommateurs américains et britanniques : 86% quitteront une marque à laquelle ils étaient autrefois fidèles après seulement 2 ou 3 mauvaises expériences auprès du service client, 63% ont confirmé qu’ils quitteraient une marque en raison d’une mauvaise expérience client et 49% ont admis avoir quitté une entreprise à laquelle ils étaient fidèles au cours de la dernière année pour cette raison
La complexité métier, l’angle mort des transformations digitales
Digitaliser, ce n’est pas juste superposer de la technologie à l’existant. C’est réinventer les processus métiers – souvent plus complexes qu’ils n’y paraissent. Et c’est justement cette complexité que beaucoup d’organisations sous-estiment… avec des projets mal pensés, peu alignés et rarement efficaces.
Une vision trop parcellaire des processus
Dans bien des entreprises, les processus métiers ne sont ni modélisés ni bien documentés. Chaque service avance en silo – marketing, finance, logistique… chacun son monde. Cette vision fragmentée empêche de voir les flux dans leur globalité, et surtout leurs interdépendances.
- Exemple : Une entreprise industrielle déploie un outil de gestion des commandes… sans intégrer les contraintes de production. Résultat : les commandes s’accumulent, mais l’usine ne suit pas → retards et clients mécontents.
Des processus trop rigides pour accueillir le digital
Beaucoup d’entreprises ont des modes opératoires hérités de décennies. Ce qui fonctionnait (à peu près) en manuel devient un frein face à des outils numériques qui exigent flexibilité, fluidité et standardisation.
- Exemple : Une PME adopte un logiciel de gestion des factures. Mais son système repose sur des validations manuelles et informelles → l’outil est inutilisable sans repenser le process.
- Chiffre clé : Plus de 60 % des projets de transformation numérique échouent, selon Forrester Consulting. Une autre étude (Consultancy.uk, 2016) parle même de 66 % d’échec.
Front, middle, back : un trio à ne pas désynchroniser
Digitaliser uniquement le front-office sans aligner les rouages internes, c’est comme repeindre une voiture dont le moteur est défectueux. Trop souvent, on modernise l’interface client sans revoir les chaînes internes qui la soutiennent.
- Exemple : Une chaîne de magasins lance un site e-commerce performant. Sauf que la logistique reste manuelle. Résultat : ruptures, retards, frustrations → l’expérience client s’effondre malgré un bel habillage digital.
Quand automatiser, c’est aggraver
Automatiser un mauvais processus, c’est accélérer l’inefficacité. Et le client en fait souvent les frais. Une digitalisation mal pensée peut détériorer l’expérience utilisateur, au lieu de l’améliorer.
- Exemple : Une assurance propose un formulaire en ligne pour simplifier les remboursements. Mais le back-office ne suit pas → délais plus longs qu’avant, clients exaspérés.
Chiffres Emplifi (2023) :
- 86 % des consommateurs quittent une marque après 2 ou 3 mauvaises expériences
- 63 % changent de fournisseur à cause d’un mauvais service
- 49 % l’ont déjà fait… au cours des 12 derniers mois.
Digitaliser, c’est comprendre en profondeur
En conclusion, les outils numériques ne résolvent rien s’ils sont plaqués sur des process rigides, cloisonnés ou obsolètes. Une transformation réussie commence par un travail patient sur les processus métiers, leur cohérence transversale, et leur impact sur l’expérience client.
Épisodes précédents :
- #1 : un chemin semé d’embûches
- #2 : refuser l’illusion d’une transformation rapide et universelle
- #3 : anticiper la complexité des processus métiers mal appréhendés
Épisodes à suivre :
- #4 : Évaluer avec justesse l’impact sur l’expérience utilisateur
- #5 : Estimer une gestion de projet réaliste et alignée sur les enjeux
- #6 : Prévoir une architecture technique évolutive
- #7 : Positionner les enjeux humains à leur vraie place
Pour aller plus loin :
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